La pensée revigorée ?

Publié le par Sébastien Leprat

Réfléchir sur notre identité n’est donc plus un tabou. Autrefois jugés comme étant ringards, les patriotes s’expriment désormais au grand jour. Tous les arguments sont utilisés afin de déclarer sa flamme à la nation. Après des décennies d’hédonisme, la pensée politique semble donc revigorée.

Il y a 20 ans, dans un célèbre ouvrage intitulé « la défaite de la pensée », le philosophe Alain Finkielkraut invitait son lecteur à réfléchir sur le sens des identités nationales. Fustigé par la gauche, cet écrivain fut alors accusé de faire le lit de l’extrême droite. Il entendait pourtant tout simplement rappeler le rôle central des identités nationales dans notre vie politique. Jadis exclusivement acquise à l’idée du multiculturalisme, la gauche semble aujourd’hui reconnaître les vertus du patriotisme.

 

Même s’il se perd parfois dans des considérations esthétiques sur la beauté de nos montagnes et de nos lacs ou dans des réflexes fétichistes, le débat actuel est donc sain. Il offre aux citoyens la possibilité de prendre du recul et de donner du sens à son action.

Encore faut-il s’entendre sur le sens que nous accordons au patriotisme. Finkielkraut rappelait qu’il existe principalement deux formes de sentiment national qui cohabitent.

 

Il y a le patriotisme qui s’inscrit dans une logique universaliste « à la française ». Il repose sur l’idée que les individus s’unissent dans le cadre d’une nation car ils ont « le sentiment d’avoir fait de grandes choses ensemble et veulent en réaliser davantage ». Mais il y a aussi la conception germanique décrite par Fichte qui s’appuie sur l’idée que des individus associent leurs destins en fonction de leurs affinités culturelles. C’est la célèbre opposition entre la Gesellschaft et la Gemeindschaft, entre la société et la communauté.

 

Nos démocraties sont traversées par ces deux formes de sentiment d’appartenance. Fort heureusement, elles ont l’intelligence de ne pas écarter l’un au détriment de l’autre. En glorifiant la culture de la race aryenne, le régime nazi a d’ailleurs démontré les dangers d’un choix tranché en faveur de la Gemeindschaft. De même, en niant les identités nationales afin d’imposer la conception de la Gesellschaft, le multiculturalisme a permis au nationalisme de prendre racine dans notre vie politique.

 

Cette grille de lecture est donc pratique afin de bien comprendre les enjeux politiques auxquels nous devons faire face. Elle permet par exemple de mieux saisir la complexité du débat qui oppose le droit du sol au droit du sang ou de mieux discerner les clivages qui déchirent les farouches défenseurs de la démocratie directe aux partisans chevronnés de la démocratie représentative. 

Publié dans politics

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article