Vers une dérive autoritaire ?

Publié le par Sébastien Leprat

La concordance est indissociable de notre démocratie semi-directe. Pétris de citoyenneté participative, les Suisses sont imprégnés d’une culture du dialogue qu’ils renouvellent à chaque consultation populaire. Au-delà des passes d’armes politiciennes, par-dessus les egos parfois déplacés des élus, la recherche de consensus nourrit notre culture. Sans elle, c’est notre démocratie qui s’affaiblit.

Dès lors, comment interpréter les non-entrées en matière sur l’idée de renouveler la concordance ? Fébrilité de début de campagne ou prémisses d’une dérive autoritaire ? Alors que les partis sont en train de constituer leurs listes pour les élections fédérales d’octobre, quelques esprits partisans s’échauffent. Le PDC comme l’UDC n’acceptent pas l’idée de discuter avec leurs concurrents électoraux. Tous deux associés à la pratique gouvernementale de la concordance, ils refusent ainsi de dévoiler au grand jour ce qu’ils pratiquent pourtant quotidiennement sous les lambris des palais. Très mûrs démocratiquement, les Suisses savent néanmoins faire la part des choses. Depuis des siècles, au fil des consultations populaires, ils enrichissent le pacte démocratique qui les lie. Sans relâche, ils honorent la mémoire d’Ernest Renan en démontrant par l’acte que la citoyenneté repose sur le « sentiment d’avoir fait de grandes choses ensemble et de vouloir en réaliser davantage ». Alors que toutes les démocraties modernes s’interrogent sur le sens des identités nationales, certains intellectuels estiment d’ailleurs que notre pays créé du lien social grâce à ses pratiques démocratiques. C’est ce que le sociologue allemand Jürgen Habermas dénomme le « patriotisme constitutionnel ». Ce mouvement politique développe notre prospérité et condamne les velléités de captation excessives du pouvoir. Inlassablement, il invite les élus à réfléchir aux solutions sans se complaire dans l’opposition. C’est la victoire de la « Sachpolitik » sur la « Machtpolitik ». Dès lors, comment évaluer cette posture négative affichée par deux partis qui sont pourtant attachés à de telles valeurs ? Est-elle liée à la météo électorale ou reflète-t-elle l’envie d’en découdre avec notre modèle politique ? Exprimera-t-elle les prémisses d’une dérive autoritaire ?

Publié dans politics

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