L’humanisme compassionnel

Publié le par Sébastien Leprat

21 juin 2006

A l’approche des votations consacrées aux révisions de la loi sur l’asile et de la loi sur les étrangers, le délit d’opinion est institué. Quitte à galvauder le terme, l’humanisme est décliné à toutes les sauces. Les invectives pleuvent, les procès d’intention se multiplient. Toujours binaire, le débat se met ainsi en place. La compassion est utilisée sans réserve.

Il y aurait d’un coté les gentils, ceux qui rejettent ces révisions légales. De l’autre coté, agiraient des forces politiques obscures, des alliances partisanes qui comploteraient en coulisse pour la disparition de l’humanité. Rarement enivrés par l’art de la nuance, peu soucieux de la liberté d’opinion, de nombreux opposants délivrent sans retenue des brevets d’anti-humanisme.

 Leurs armes rhétoriques sont connues : En jouant sur la compassion, en s’appuyant sur la détresse sociale et économique de nombreux apatrides, ces nouveaux maîtres occupent le devant de la scène. L’humanisme, ce courant philosophique qui recherche l’épanouissement de toutes les qualités humaines, disposerait donc d’un nouveau compagnon de route : La morale. Par essence la morale s’oppose pourtant à la philosophie humaniste. Elle ne cherche pas à se placer au-dessus des préjugés mais tend plutôt à les façonner. Elle n’est pas indifférente à l’évolution des mœurs puisqu’elle enseigne les règles à suivre afin de faire le bien et d’éviter le mal. Bref, à la différence de la philosophie, la morale ne se soucie guère de l’individu et fait le pari exclusif du collectif. Dès lors, comment se fait-il que nous assistions à une telle confusion des termes ? Comment le discours moral peut-il prendre racine dans l’opinion publique en s’appuyant sur la notion philosophique d’humanisme ?

 La simple observation du débat apporte de suite une réponse : La compassion, ce mouvement de l’âme qui nous rend sensible aux maux d’autrui (définition du petit robert), poursuit sans relâche l’ambition de réunir la morale et la philosophie. Insidieusement, les messages exprimés par les opposants aux lois sur l’asile et sur les étrangers s’adressent donc à nos âmes ! Dans une société chrétienne en quête de valeur et tentée par le repli spirituel, la compassion tente donc une OPA messianique sur notre liberté de penser. Grâce elle, les contraires se rapprochent, les antinomies s’acoquinent, l’humanisme et la morale fusionnent, la liberté de penser recule. Ainsi, celui qui ne se livrerait pas à ce mouvement compassionnel n’aurait plus voix au chapitre. Pour nos nouveaux maîtres, l’humanisme sera donc compassionnel ou ne sera pas !

Publié dans politics

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